1843, un petit village et puis l'hiver jusqu'à la flèche du clocher. Une disparition. Marie Chazottes. Une agression, Ravanel Georges, et puis un cochon entaillé de partout. Le printemps vient quand même. Et puis l'hiver 1844 vient à son tour et c'est Bergues qui disparaît. Alors on appelle un enquêteur. Un nommé Langlois. Le printemps vient quand même. L'hiver revient aussi et avec lui, Langlois. Un homme qui débusquera le responsable. Un homme qui organisera une battue au loup. Un homme qui provoquera amour, amitié et admiration autour de lui. Mais "un roi sans divertissement est un homme plein de misères".
Ce roman était une lecture pour le bac. Je l'ai donc lu un certain nombre de fois et mon bien aimé professeur de littérature nous avait donné beaucoup de clefs pour comprendre et travailler l'oeuvre au maximum... J'imagine que cela a amplifié mon intérêt pour cette histoire !
L'histoire, parlons-en. Le narrateur te parle, directement, à toi lecteur ! Il te raconte l'histoire à la manière du voisin que tu croises dans ton village (c'est peut-être pareil en ville, je ne peux pas te dire !) et qui te raconte le dernier potin en date, en n'omettant aucun détail (et si possible en te rappelant qu'il te parle de la fille de la cousine du frère du grand-père du type qui travaillait dans le magasin de la rue à côté du moulin près de la rivière il y a quelques années ). Il te parle du village, des gens à l'époque des faits, de la façon dont ils vivaient, de ce qu'ils ressentaient. Tant et si bien que tu retrouves avec eux, en plein hiver, de la neige jusqu'aux cuisses et la peur au ventre. Et puis plus tard, il te parle de Langlois. Et d'un certain M.V. Il passe parfois la parole à Saucisse, celle qui avait certainement le mieux connu Langlois ou à d'autres villageois, ou plutôt rapporte leurs dires. Et puis il nous parle de la beauté du sang sur la neige.
Les personnages sont tous attachants à leur façon. Même le tueur, même le loup, même Langlois... surtout eux. Ils sont aussi intrigants, ils te poussent à te poser des questions.... sur eux et puis sur toi aussi.
Quant au style de Giono ? Eh bien, il est juste incomparable. Sous sa plume, tout a un rôle. Les saisons, la nature, les couleurs... Il nous donne une oeuvre en deux parties : une première qui concerne l'enquête pourrait-on dire et une seconde qui concerne Langlois. Elles sont totalement différentes mais la seconde est bien la suite logique de la première : on a besoin de comprendre.
Je crois que c'est un livre que l'on adore ou bien qui nous laisse de marbre, il n'y a pas de demi-mesure avec lui. Comme avec Langlois, au fond.
Les figures de style qui rythment le texte.
La génialissime fin !!
"Je suppose que vous savez où l'automne commence ? Il commence exactement à 235 pas de l'arbre marqué M312, j'ai compté les pas." p.39
"Cette fois, ce fut la terreur de troupeau de moutons. En plein jour (bas, sombre, bleu, neige, nuage coupant la flèche du clocher) on entendit les femmes pleurer, les enfants crier, les portes battre, et il fallut la croix et la bannière pour se mettre à décider quelque chose. Tout le monde parlait des gendarmes; personne ne voulait aller les chercher." p.43
"Je savais de quoi c'était fait et je pouvais très bien imaginer que, dans un autre ordre d'idées les terrasses, les vestibules, les salons étaient faits de la même farine? Qui fait un pain immangeable. Je suis orfèvre. Si on se force on vomit. Et il y a qui préfèrent crever plutôt que de passer leur vie à vomir, ou à faire ce qu'il faut pour manger de la viande." p.211
Je ne résiste pas à l'envie de te mettre les derniers paragraphes, mes préférés. Mais comme ils te révèlent la chute je te les mets en "caché", sélectionne-les (tu sais, tu mets en surbrillance) si tu veux les lire :
" Seulement ce soir là, il ne fumait pas un cigare, il fumait une cartouche de dynamite. Ce que Delphine et Saucisse regardèrent comme d'habitude, la petite braise, le petit fanal de voiture, c'était le grésillement de la mèche.
Et il y eu, au fond du jardin, l'énorme éclaboussement d'or qui éclaira la nuit pendant une seconde. C'était la tête de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions de l'univers.
Qui a dit : "Un roi sans divertissement est un homme plein de misères" ?"p.247
Un roman très particulier mais à lire absolument !!